Le remède et le poison

Publié le 24 Novembre 2009

Je suis en train de dévorer un livre formidable !

 

 

Depuis « le monde selon Garp » et John Irving il y a des lustres je n’avais pas retrouvé une telle surprise livresque !

Car il s’agit d’une histoire, une vraie, enfin peut-être pas une histoire-vraie, tout à fait vrai même si une facette autobiographique est mentionnée par l’éditeur, ça paraît incroyable.

 

Une histoire donc, écrite avec talent et ironie, sans condescendance ni fausse pudeur, au style travaillé et foisonnant, minutieux dans les détails, l’ardeur à nous compter les personnages n’a d’égal que celle d’entretenir notre amusement surtout dans la première partie du livre. Le ton de la deuxième partie est plus grave sans perdre cependant l’engouement du début, un coup de maître.

 

Au début des années 50, Yale était la Terre promise des psychologues. Le docteur William T. Friedrich (Will), le torse bombé, vient d’y être chargé de cours. Mais dans ce monde impitoyable l’usage et les bonnes mœurs se satisfont de ne voir, jusqu’au bout du campus, dépasser ne serait-ce une tête. Il est difficile alors, au sein de la crème intellectuelle du pays et une fois la joie de l’avènement du poste dissipé, de se faire un nom et d’y arriver. « Y » relève de plusieurs fantasmes sous couvert d’une pugnace ambition. Ceux du professeur Friedrich, en cette période laborieuse d’après guerre, relèvent de la grande maison, d’un solde bancaire largement au dessus des dépenses domestiques et ainsi d’apporter bonheur et prospérité à son épouse Nora et ses enfants, Fiona, Lucy, Willy et Jack, puis Zach.

 

« Les rêves de grandeur du docteur remontaient à l’époque de ses neuf ans, où il se glissait dans le cellier avec Homer, quand leur mère obligeait celui-ci à y coucher pour le punir, l’été, s’il avait fait pipi au lit. (L’hiver, elle n’avait pas cette cruauté.) Dans la pénombre fraîche, sur la terre battue qui sentait les navets et les patates, Will endormait Homer en lui racontant toutes les prouesses qu’ils réaliseraient quand ils seraient grands. Il déployait sur ses genoux un atlas élimé, acheté à l’Exposition universelle de Saint Louis, en 1903, et parcourait du doigt des cartes qui portaient inscrit, au cœur des continents, le mot « inexploré ». « Quand on aura découvert la plus haute montagne du monde, confiait-il à son frère, le président Calvin Coolidge en personne nous décernera une médaille, avec de l’argent pour construire une fusée comme celle de Buck Rogers, mais la nôtre elle sera mieux, parce que ce sera une vraie. Et moi, enfin, nous, on ira … »

En 1952, les quinze centimètres qui séparent nos oreilles constituaient le territoire le plus vierge de la planète. Et, pour la plupart des gens, la chimie des émotions relevait aussi peu des sciences exactes que la Kryptonite de Superman. »

 

Dans ce monde, donc, où rien n’est facile, il est encore plus remarquable de sortir du lot lorsqu’on est une femme telle le Docteur Bunny Wintton, même si elle est pourvue, elle, d’une fortune confortable, ses fantasmes recouvrant plus le visage de la gloire et de la renommée.

Friedrich et Wintton s’associent alors sur un projet de recherche, le GKD, pilule qui garantira enfin joie et bonheur à une population morose. Les premiers essais sont concluants, les tests sur l’homme vont incorporer dans le panel Casper Padrak, adolescent surdoué à l’affecte perturbé et au comportement psychotique. Mais l’alchimie GKD-Casper va mal tourner, les répercutions marqueront au fer la famille du professeur Friedrich pour qui il n’est plus question de gloire mais de recoller les morceaux.

 

Je n’en dévoilerais pas plus, et, si cet exposé paraît, disons, convenu ( ?) il ne faut pas s’y fier.


C’est le-li-vre de cette année 2009 (enfin !) !!!!


qui bizarrement ne jouit d’aucun écho ou presque (j’ai dû lire un article dans le magasine Lire de cet été, plus un article ditirambique dans Télérama) dans les médias dévolus au marché littéraire. Mais no souçaille, d’ici à quelques mois « Le remède et le poison » devrait culminer en tête des top-listes de ventes le temps d’amorcer le bouche à oreille.

 

Extraits :

 

« Ma mère avait beau tenter de le distraire de ces idées noires par sa présence et par leur travail, il n’avait pas son pareil pour ramener la conversation, le soir à table en particulier, sur le catastrophes et la prévention des catastrophes. Quand Willy s’étranglait sur un trop gros morceau de steak, nous avions droit à un cours de trachéotomie. Je le revois guidant mes doigts sur sa propre gorge pour me faire sentir les os de la trachée qu’il nous faudrait trancher avec un couteau à steak, sans toucher la jugulaire, ce qui risquait de saigner le sujet à blanc même si on avait une aiguille et de catgut à portée de main. Au restaurant de la vie, la carte des désastres hypothétiques était longue et variée.  Une caresse au lapin apprivoisé d’un voisin, et la tularémie nous guettaient ; manger du thon sorti d’une boîte de conserve tant soit peu bosselée était suicidaire : gare au botulisme ! S’il avait existé une palme du scénario-catastrophe, nous l’aurions remportée haut la main. …/…

Willy était intimement persuadé que notre père nous mettait en garde contre tout et le reste pour n’avoir rien à se reprocher si l’un d’entre nous mourait en leur absence. »

 

… je bénis mon manque d’imagination qui, pourtant, semblait déjà relever d’un film catastrophe à haut budget, sont forts ces américains !

 

« Il n’y avait pas eu de guérisons miraculeuses. Les remèdes miracles pour le psychisme étaient des phénomènes de mode, comme la longueur des jupes et la largeur des cravates. Avec le temps, ces remèdes étaient jugés aussi ringards qu’une tendance dépassée. »

 

… quoi de mieux qu’un bon livre pour oublier l'industrie pharmaceutique ?

"Le remède et le poison", Dirk Wittenborn, Seuil, 2009, «««««

 

Rédigé par lechemindeparlà

Publié dans #les livres de par là

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Z
<br /> <br /> Coup bas !<br /> <br /> <br /> Au passage c'est un collector.<br /> <br /> <br /> Tu devrais faire un print screen, t'as pas du en voir souvent sous ma signature.<br /> <br /> <br /> Mais bien attrapé se m'incline !<br /> <br /> <br /> <br />
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Z
<br /> des raisonnements similaires ... c'est mieux !<br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Oh gonflé !<br /> <br /> <br /> J'en connais qui ont tenu des raisonnement similaire concernant un certain Herisson pour finalement le lire bien après la mélée et convenir que ca valler le coup de ne pas attendre ...<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> oui, c'est vrai.<br /> je m'incline une nouvelle fois, d'autant que je ne me prive follement pas de raisonnements similaires en herbe.<br /> <br /> M'fin, j'en connais d'autre qui s'était un peu juré de banir l'utilisation de smiley dans ses écrits, mais un peu c'est pas non plus tout à fait .<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Ha, je l'avais noté (chez Brize ou Manu ???) et depuis, personne n'en avait reparlé ! Avec la PAL que j'ai, cela attendra sans doute la sortie en poche, mais je ne l'oublie pas !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> ça va faire longuet, à ta place je n'attendrai pas, pourquoi se priver ?<br /> <br /> <br />
Z
<br /> Une comparaison avec Garp, c'est déjà énorme quand on sait son rang au panthéon de l'auteur de cette chronique, doublée d'une critique ... qui sent l'emballement à plein nez, j'sais pas vous, mais<br /> moi j'achète, "eyes closed" ! <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> oui, bien vu, c'est é-nor-me !<br /> j'attends tes impressions avec impatience et savoir si c'est moi qui délire, ce livre devrait culminer tout tout en haut des charts.<br /> <br /> <br /> <br />